La crise sanitaire que nous traversons actuellement creuse davantage les inégalités. Elle frappe de plein fouet les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion, en plus de jeter instantanément dans la précarité plusieurs travailleuses et travailleurs qui peinaient déjà à se maintenir à flot.
Des milliers de personnes se retrouvent isolées et en détresse, sans réseau social pour les aider.
Certaines sont mal logées avec les enfants à la maison 24 h sur 24, d’autres subissent de la violence, voient leurs problèmes de santé mentale s’accentuer à cause du stress, sont davantage fragilisées en raison d’un handicap ou parce qu’elles viennent tout juste d’arriver au pays.
Avec l’appui de notre Fonds d’urgence, les organismes communautaires du Grand Montréal se sont réorganisés rapidement pour maintenir et parfois même intensifier le contact avec leur clientèle, ainsi qu’avec toutes les nouvelles personnes dont la vulnérabilité est exacerbée par la crise.
Ils font tout ce qu’ils peuvent pour que personne ne soit oublié.
Elles écopent plus que les autres, car elles n’ont aucune marge de manoeuvre. Elles y arrivent déjà à peine avec leur mince revenu et n’ont aucune économie. Elles vivent généralement dans des logements plus petits qui offrent moins d’espace pour s’isoler, un défi supplémentaire en période de confinement. Leur charge mentale augmente avec les enfants à la maison, ainsi que le stress lié à toute l’insécurité que génère la situation.
Sur la Rive-Sud, L’Envol Programme d’aide aux jeunes mères maintient le lien avec les jeunes mamans pour les soutenir émotionnellement dans leur isolement forcé et prévenir la négligence et la maltraitance chez les tout-petits : suivis téléphoniques de jour et de soir, information sur les réseaux sociaux, livraison de l’aide alimentaire, accès à des cartes d’achats prépayées pour les produits non disponibles dans la banque alimentaire.
Pour les aînés, le danger est paradoxal. C’est à la fois le contact avec les autres et l’absence des autres qui les affectent. Déjà inquiets devant la maladie qui les touche davantage que quiconque, la crise amplifie leur solitude, alors qu’ils sont déjà parfois isolés et délaissés, négligés même. On craint pour leur santé physique et mentale. Leurs habitudes de vie sont bousculées. Ils perdent des proches. Ils s’inquiètent et vivent de l’anxiété. Ils font face à de multiples enjeux allant de l’insécurité alimentaire aux défis technologiques.
Dans Chomedey, le quartier le plus pauvre et le plus multiculturel de Laval, le Centre SCAMA (Centre de Services Communautaires et d’Aide au Maintien de l’Autonomie) ajoute la livraison d’épicerie à domicile et intensifie son service de dépannage alimentaire (popote roulante et repas congelés). Aussi, tous les jours, 30 bénévoles font des « appels d’amitié » à 300 aînés confinés, un service offert en plusieurs langues (français, anglais, arabe, arménien, espagnol, grec, etc.).
Chez les personnes handicapées, les défis de la distanciation physique soulèvent une série de préoccupations. Comment faire son épicerie par Internet alors qu’on a un handicap visuel? Les services de soins à domicile viendront-ils à manquer en cas d’engorgement du système de santé? Tout est ébranlé aussi pour les personnes ayant un handicap intellectuel qui partagent souvent leur temps entre leur famille naturelle, leur famille d’accueil et les centres de jour dans les organismes communautaires. Les sortir de leurs habitudes peut avoir de graves conséquences sur leur bien-être et celui de leurs familles.
Les bénévoles du Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAAMM) se mobilisent autrement. Plutôt que d’accompagner les personnes aveugles et malvoyantes, ils vont faire les courses à leur place et livrent directement à la maison, tant l’épicerie que la nourriture pour chiens guides. Un service d’accompagnement pour un rendez-vous médical d’urgence non relié à la COVID-19 est aussi disponible.
Les personnes aux prises avec des troubles anxieux et des problèmes de dépression risquent de voir leurs symptômes augmenter. Le confinement et les mesures de distanciation sociale leur posent un défi supplémentaire, car elles ont généralement plus de difficulté à maintenir des liens avec les autres. Il sera plus difficile pour elles de tenir un rythme de vie équilibré pour ne pas sombrer dans l’isolement et perdre davantage l’envie de communiquer, de s’alimenter ou de bouger.
Un virage technologique d’urgence s’est opéré chez ALPABEM (Association lavaloise de parents et amis pour le bien-être mental) afin que les rencontres individuelles et les groupes d’entraide se poursuivent en vidéoconférence plutôt qu’en personne. La communauté Facebook a également droit à un rendez-vous quotidien en direct d’une vingtaine de minutes sur différentes thématiques. Il est possible de poser des questions et d’interagir avec les intervenants.
Pour les femmes victimes de violence conjugale, la maison devient un endroit extrêmement dangereux en période de confinement. Elles hésiteront peut-être davantage à quitter leur domicile à cause de la consigne de rester à la maison. Le contexte peut aussi augmenter les cas de maltraitance et de violence envers les enfants, les facteurs de risque étant plus nombreux : pauvreté, isolement, stress des parents, manque de soutien, etc.
En première ligne, Le Chaînon multiplie les ressources pour s’assurer que les résidentes soient bien protégées et puissent recevoir l’aide psychosociale nécessaire. Les besoins augmentent en raison du confinement, car les femmes qui sont habituellement en accueil de nuit passent toute la journée sur place. Du personnel supplémentaire d’intervention et d’entretien vient en renfort dans les trois maisons d’hébergement.
À peine arrivés en sol québécois que leur vie stagne. Leurs démarches administratives ne peuvent se faire qu’en ligne et ils n’ont souvent pas accès à un ordinateur. Trouver un logement devient un défi majeur. La recherche d’emploi est presque impossible. Les enfants, l’école, tout est en suspens. Et si en plus on ne parle pas la langue… Il y a aussi toutes les personnes dont le parcours migratoire était bien amorcé, mais qui viennent de perdre leur premier emploi. Le retour sur le marché du travail sera-t-il plus long pour elles? Il semblerait qu’en temps de crises, les situations de discrimination et de racisme augmentent.
Dans différents secteurs de Montréal, le Centre social d’aide aux immigrants (CSAI) s’assure que sa clientèle la plus vulnérable ne manque de rien. Une fois par semaine, épicerie et produits d’hygiène sont livrés directement à la maison. La majorité des personnes desservies sont des réfugiés pris en charge par l’État et des demandeurs d’asile récemment arrivés. Ils ont des moyens financiers limités et ne disposent souvent pas de cartes de crédit pour faire des achats en ligne.
Alors qu’à la mi-mars, on s’isolait dans nos maisons pour une période indéterminée, d’autres se cherchaient un lieu pour se réfugier. Les personnes en situation d’itinérance et celles qui sont logées dans la précarité sont devenues particulièrement vulnérables devant la pandémie.
En raison de la fermeture de plusieurs services pour se conformer aux mesures de distanciation sociale, les organismes communautaires ont dû déployer de nouvelles stratégies pour maintenir et parfois même intensifier les liens avec leur clientèle.
Grâce à une collaboration entre Centraide et SynergiTIC, plusieurs d’entre eux sont accompagnés dans un virage numérique. Une trousse de soutien technologique en période de crise leur est accessible. Elle leur offre l’accompagnement nécessaire pour mettre en place une série de mesures technologiques (mobilité, communication, collaboration, gestion documentaire) qui leur permettront d’assurer la poursuite de leurs activités.
Cinq intervenantes de l’organisme Je Passe Partout et deux bibliothécaires de la Ville de Montréal sont dépêchés sur la première ligne pour répondre aux appels du 211 qui sont quatre fois plus nombreux qu’à l’habitude. Plus de 50 % des demandes concernent l’aide alimentaire.
En plus d’être un service indispensable pour les citoyennes et les citoyens, plus que jamais ces jours-ci, le 211 est une source d’information précieuse pour capter les besoins de la population.
Le portrait de la situation vous intéresse? Les statistiques sont maintenant accessibles au grand public sur le site Internet du 211.